Déserts médicaux : halte au bricolage ! (le Monde du 29-06-2016 )
C’est classique : il y a des cris d’alarme tellement répétés qu’ils semblent ne plus être entendus. Classique, mais déplorable. On en a une nouvelle démonstration avec l’étude de l’UFC-Que choisir sur l’offre médicale et l’accès aux soins en France, dont nous publions aujourd’hui les résultats.
Depuis des années, de bilan en bilan, la tendance se confirme : entre 2012 et 2016, l’accès à un médecin généraliste est devenu de plus en plus difficile pour plus d’un quart de la population. Selon les calculs de l’association de consommateurs, 14,6 millions de personnes vivent en 2016 dans un territoire où l’offre de soins libérale est « notoirement insuffisante ».
Le 2 juin, c’était l’ordre des médecins qui dressait son constat annuel, tout aussi inquiétant. Le nombre de médecins généralistes a diminué de 8,4 % entre 2007 et 2016. Pis, cette chute « inexorable » et « préoccupante » devrait se poursuivre jusqu’en 2025 et se traduire par « la perte d’un médecin généraliste sur quatre pour la période 2007-2025 ». Chacun peut en faire l’expérience : lors du départ à la retraite du médecin traitant, il n’y a souvent plus de garantie d’en retrouver un autre facilement.
Les zones urbaines aussi touchées
La question des « déserts médicaux » n’est pas nouvelle. Il y a dix ans, elle se posait principalement en milieu rural. Désormais, les zones urbaines sont touchées, y compris Paris. Les différentes aides financières à l’installation n’auront fondamentalement rien changé à ce mouvement de fond, qui s’explique autant par le départ à la retraite de nombreux médecins que par les choix des jeunes praticiens, rebutés par le modèle astreignant du médecin de famille.
Et, pourtant, les négociations conventionnelles entre Assurance-maladie et syndicats de médecins libéraux, commencées en février et prévues pour durer jusqu’à la fin juillet, ont lieu presque comme si de rien n’était. Toute la discussion semble se résumer à la somme qui sera finalement mise sur la table par l’Etat, dont les marges de manœuvre budgétaires sont plus que jamais réduites. Les médecins réclament entre 1,2 et 3 milliards d’euros pour financer des secrétariats, mettre en place des tarifs plus élevés pour les consultations longues et passer le montant de la consultation standard de 23 euros à 25 euros afin d’attirer les généralistes et de redonner envie aux jeunes d’exercer en libéral.
Un système à bout de souffle
Depuis des années, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, semblent tétanisés par les médecins et leur pouvoir d’influence. Les uns après les autres, ils ont renoncé à obliger les praticiens à exercer là où on a le plus besoin d’eux. Et ils s’en sont tenus à de timides incitations financières. Ainsi, depuis 2012, le ministère de la santé a promu des bourses pour les étudiants et un salaire garanti les premières années pour les jeunes praticiens s’ils s’engagent à exercer dans les zones sous-dotées. Et l’Assurance-maladie vient de proposer d’accorder 50 000 euros à un médecin acceptant de s’installer dans ces zones.
Face à un système à bout de souffle, alors que la France fait de plus en plus appel à des médecins étrangers, que la population vieillit et que la demande de soins ne sera pas amenée à diminuer, il est grand temps que politiques et médecins reconnaissent l’insuffisance des outils mis en œuvre. Si la coercition n’est pas la solution pour la médecine libérale, la responsabilité de tous est de chercher, d’imaginer et de proposer d’autres solutions. Maintenant. Bientôt, il sera trop tard.
Source : article en ligne